Focus sur les marchés actions et la saison de résultats en 10 questions

30 octobre 2020

1- Une correction qui s’amplifie et une volatilité à nouveau sur des niveaux élevés

Nous assistons depuis quelques jours à une accélération relativement brutale de la correction de marchés. La correction des derniers jours fait suite à une tendance déjà baissière sur les deux dernières semaines, le S&P 500 ayant clôturé au-dessus de 3 500 points les 12/13 octobre derniers.

L’ampleur de la correction reste modérée aux États-Unis : le marché est revenu proche des points touchés fin septembre (autour de 3 250 points), très loin des niveaux du printemps. En Europe, la situation est différente : en abandonnant 10% en quelques jours, l’Eurostoxx 50 est revenu sur les niveaux de fin mai.

Sur le plan sectoriel, le constat de la polarisation ne fait que s’accentuer : certains secteurs sont effectivement en configuration de W, étant revenus à des niveaux proches des points bas du printemps, comme l’énergie, les banques ou l’immobilier. A l’inverse, d’autres secteurs restent à des niveaux très supérieurs à ceux du printemps dernier ; ces secteurs ne se limitent pas au triptyque des thèmes séculaires privilégiés (environnement / technologie / santé) mais concerne aussi l’industrie ou les valeurs de consommation.

Le niveau de volatilité est revenu à des niveaux élevés (40 sur le VIX contre 25 mi-octobre) comparables à ceux de début juin, mais encore loin de ceux de mars dernier (autour de 80 au plus fort de la crise).

 

2- Un changement des facteurs déterminants du marché

La correction de marchés liée à l’accélération de la pandémie et du reconfinement a fait passer au second plan les facteurs qui dominaient le marché: les élections et le plan de relance budgétaire aux États-Unis.

C’est probablement une source de difficulté importante pour les investisseurs en termes de prise de décision : comment comprendre que la deuxième vague de COVID-19, qui est visible depuis plus d’un mois, et qui donne lieu à des mesures de reconfinement progressif depuis plusieurs semaines, devienne soudainement un facteur déterminant alors que les marchés semblaient l’ignorer depuis la rentrée ?

Plusieurs facteurs peuvent être avancés :

  • Jusqu’à mi/fin octobre, la hausse du nombre de cas ne s’accompagnait pas d’une forte accélération des admissions à l’hôpital et en réanimation ;
  • Les marchés semblaient « immunisés » contre la COVID-19 sur la base de deux hypothèses: pas de retour anticipé en confinement global, et soutien indéfectible de la politique économique ;
  • Le durcissement des mesures de confinement fait anticiper un retour en récession au quatrième  trimestre en Europe ; même si les données que nous observions depuis plusieurs semaines montraient un affaiblissement de la trajectoire, l’idée d’une contraction économique au quatrième trimestre est un facteur nouveau ;
  • La nouveauté depuis quelques jours c’est l’impression de perte de contrôle de la trajectoire de la pandémie ; ceci change la donne puisqu’il peut conduire à anticiper ce qui semblait exclu : un reconfinement non plus ciblé ou partiel, mais plus général, face à l’échec des mesures barrière à produire des résultats tangibles.
 

3- Une saison de résultats très bonne

Le paradoxe de ce retour des marchés en configuration baissière est qu’il se produit précisément au beau milieu d’une très bonne saison de résultats d’entreprises pour le troisième trimestre.

Même s’il est encore tôt pour donner des chiffres définitifs, à ce stade, les résultats publiés ressortent en moyenne 15% au-dessus du niveau attendu par les analystes. En moyenne 70 à 80% des entreprises publient au-dessus des attentes du marché. Là encore les bonnes nouvelles ne proviennent pas que des secteurs particulièrement favorisés par ce contexte atypique, mais également des entreprises issues des secteurs de l’industrie et de la consommation, et donne parfois lieu à un relèvement des objectifs de résultat pour cette année et l’année prochaine.

 

4- Des perspectives encore incertaines

Mais ce qui reste encore difficile tant pour une majorité d’entreprises que pour les investisseurs c’est de se projeter. En effet, le pourcentage d’entreprises qui communique sur un objectif de résultat 2020 a beaucoup baissé au cours du printemps et ne s’est pas nettement rétabli au cours du trimestre.

Comme sur le plan macroéconomique, il est plus aisé de réfléchir en termes de scenarios de croissance des ventes en fonction de différentes configurations épidémiques plutôt que de s’engager sur un business plan monolithique. L’autre point important qui pèse sur la capacité à se projeter, c’est bien entendu la perspective des élections américaines, qui génère de l’attentisme (voir infra).

 

5 - Une rotation sectorielle stoppée

On observait entre fin septembre et mi-octobre un regain d’attractivité des valeurs cycliques au détriment des valeurs défensives et valeurs de qualité. Cette dynamique s’est arrêtée : l’ensemble des valeurs corrigent, avec une grande différenciation toutefois entre : i) les valeurs défensives ou soutenues par leurs résultats ou des drivers séculaires, et ii) les secteurs cycliques qui sont à nouveau pénalisés. A titre d’exemple, la construction ou l’automobile, deux secteurs qui semblaient bien repartir sont à nouveau pénalisés à court terme.

 

6- Les thèmes stay@home continuent de performer

Au sein des valeurs américaines, les valeurs de la vente à distance affichent des performances très positives depuis le début d’année ainsi que l’ensemble des produits domestiques. Le thème stay@home a corrigé au cours des derniers jours mais de manière plus limitée (-2% en 5 jours environ) et affiche des performances d’environ 20% depuis le début d’année (source : Goldman Sachs). A l’inverse les secteurs voyage, hôtellerie et restauration corrigent de plus de 10% sur 5 jours.

 

7- La Chine continue de dominer

Tandis que la plupart des indices mondiaux sont en territoire négatif, un seul marché fait exception : les actions domestiques chinoises, qui progressent dans ce contexte. Il y a plusieurs facteurs d’explication que nous avions déjà évoqués dans nos publications et présentations récentes :

  • L’économie chinoise est la seule grande économie en croissance en 2020 ;
  • Les informations officielles montrent que la pandémie semble maitrisée depuis plusieurs mois ;
  • Les résultats d’entreprises sont en croissance cette année et l’année prochaine mais les ratios de valorisation sont plus attractifs que ceux des actions américaines ou européennes ;
  • Les actions chinoises domestiques vont bénéficier d’une poursuite de leur inclusion plus grande dans les indices actions régionaux et mondiaux.


Et au sein de l’Asie, les thèmes stay@home, santé et renouvelables surperforment les indices régionaux, et affichent des performances supérieures à 50% depuis le début d’année.

 

8- Les élections américaines

A quelques jours du scrutin et tandis que plus de 70 millions d’Américains ont déjà voté à distance, ce qui présage :

  1. d’une participation record ;
  2. d’une polarisation entre vote à distance à majorité démocrate et vote physique à majorité républicaine ;
  3. d’un risque de contestation élevé.


Les intentions de vote penchent encore largement en faveur de Joe Biden. Donald Trump semble opérer une remontée dans les sondages mais qui semble encore insuffisante pour réussir à renverser la vapeur.

Il est fort possible, comme il y a 4 ans, que Donald Trump remporte des États charnières dont les sondages donnent Joe Biden gagnant, comme l’Arizona et la Caroline du Nord. Selon les dernières estimations, Trump remporterait la Floride. La situation de la Pennsylvanie pourrait être plus incertaine, ce qui rend crucial pour Biden de remporter le Wisconsin et le Michigan dans lesquels il est crédité d’une avance de 8 à 9 points (source RealclearPolitics).

Il est possible que les résultats finaux mettent plusieurs jours à sortir ce qui peut donner lieu à la volatilité autour de l’élection. Le scénario le moins favorable pour les marchés serait une élection contestée in fine arbitrée par la Cour Suprême mi-décembre.

 

9- La perspective de stimulus fiscal et monétaire supplémentaire

A l’aune de la configuration de marché du printemps dernier (une baisse très violente liée au confinement, une remontée des marchés engagée avant le déconfinement et permise par les annonces de politique économique), il est important de garder en tête que ce facteur (le policy mix budgétaire et monétaire) pourrait être important d’ici la fin d’année et à nouveau permettre un rebond.

Ceci suppose toutefois que les autorités monétaires et les gouvernements en aient la volonté et la capacité. Outre Atlantique, un projet bipartisan de relance budgétaire verra probablement rapidement le jour après l’élection. En Europe, les gouvernements annoncent des mesures supplémentaires mais c’est aussi sur le plan monétaire que davantage de mesures sont attendues (augmentation du PEPP, voire baisse des taux).

 

10- Conclusion : quel positionnement adopter aujourd’hui ?

Dans cette phase volatile et incertaine, les décisions d’investissement précipitées sont rarement payantes. Il est donc préférable d’appréhender l’ensemble des facteurs analysés précédemment (contexte macroéconomique, tendances des résultats, contexte politique et sanitaire, volatilité, indicateurs de sentiment, valorisations) pour se positionner.

Ceci nous amène à penser au moment où nous écrivons cette note qu’il est sans doute un peu tard pour vendre (en tout cas pour vendre l’Europe), et un peu tôt pour acheter le marché. La tendance baissière peut encore se poursuivre quelques jours et des opportunités peuvent se présenter autour de l’élection américaine. La tendance de la COVID-19 et les mesures prises détermineront in fine si une deuxième séquence baissière d’environ 10% supplémentaire aura lieu ou non.

Dans ce contexte, il est probablement avisé de garder une posture de long terme pour la majeure partie de l’allocation, et d’exploiter cette phase de volatilité pour reconstruire progressivement des positions, notamment sur les valeurs cycliques ou sur des valeurs européennes exposées à la croissance chinoise.

Ce contexte nous amène aussi à réitérer nos vues constructives à moyen terme sur la Chine, les valeurs de qualité et les thèmes séculaires (révolution digitale, santé, démographie, environnement).

 

Information importante

30 octobre 2020

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